Quo vadis?

Date

29 et 30 août 2024

Sujet

A préciser

Lieu

Centre médical universitaire (CMUD)

Compte-rendu de la 20e réunion scientifique AEMDG

Avec le titre accrocheur « Quo vadis » la 20ème réunion de l’association des anciens étudiants de médecine dentaire de Genève (AEMDG) qui existe depuis 1965 a eu lieu au Centre médical universitaire, site de la Clinique universitaire de médecine dentaire (CUMD), le 29 et 30 août 2024, à Genève. En présence de 160 participants et le soutien généreux de nombreux sponsors (Bien Air Dental, Coltène, Dental 2000, DentaGest, Ecodental, FTC Dental, Opalox, Orcos, Straumann), ce congrès de l’AEMDG avait un vrai goût de fête pour plusieurs raisons. Premièrement, ce congrès fêtait plusieurs anciens étudiants, enseignants engagés et motivés de la CUMD partant à la retraite et ayant marqué profondément l’enseignement et la recherche universitaire par leurs contributions majeures et auras internationales. Il s’agit du Professeur Serge Bouillaguet, du Dr. Didier Dietschi et du Dr. Philippe Mojon. Affectueusement, nous leurs avons donné des surnoms de dinosaures, Apatosaurus, Stégosaurus et Triceratops. Deuxièmement, le programme était riche en diversité avec les dernières nouvelles couvrant tous les domaines de la médecine dentaire, y compris la recherche ponctuée par des distinctions internationales et subsides conséquents (Fonds national suisse). Troisièmement, il se tenait pour la première fois dans le bâtiment universitaire de la CUMD à la fin de l’été ce qui permettait de bien profiter du beau temps et température clémentes le soir. Ci-dessous, un résumé des conférences des nombreux orateurs.

Comité de l’AEMDG 2024: Dr Davide Foschi, Dre Laetitia Lenga (haut), Dre Emilie Bétrisey, Pr Serge Bouillaguet, Dr Léonard Brazzola, Dre Garance Voegeli, Dr Simon Gruber, Dre Jessica Mossaz, Dr Giovanni Garavaglia, Pre Susanne Scherrer

«Pulpo-sophy»

Pr Serge Bouillaguet

A retracé sa vie académique autour de la biologie pulpaire, ces expériences avec les cultures cellulaires, les réactions des tissus pulpaires en contact direct avec divers matériaux et les guidelines émises pour le choix des matériaux en fonction des indications cliniques. Son parcours a été influencé par de fortes personnalités comme le Pr Baume, mais surtout Pr Holz et le Dr Ciucchi à Genève. Ses recherches lui ont permis aussi d’être en contact avec des pontes de l’adhésion à savoir les Professeurs Pashley (USA) et Nakabayashi (Japon) durant sa période de recherche sur la dentine, sa perméabilité, la dynamique des fluides dentinaires et pulpaires. Son souvenir de la « Battle of the bonds » qu’il avait co-jointement organisé avec le Dr. Ciucchi en 1997, publiée dans ce journal (ex-Revue mensuelle suisse d’odontostomatologie) et qui est de nos jours encore fortement citée, évoque un exercice pratique de collage exécuté par des praticiens démontrant le succès mais aussi la variabilité d’un scellement adhésif d’un composite à la dentine en appliquant un protocole de collage suivi d’un test mécanique de descellement. Il terminera sa présentation en évoquant le futur, passant de la pulpotomie vers la pulpothérapie et la régénération du tissu pulpaire, la recherche sur les cellules souches embryonnaires, la stérilisation par photoactivation d’oxydants de tissus infectés, les nouvelles techniques de désinfection mais aussi la recherche sur le microbiote en étudiant leurs « Omics » en caractérisant et quantification les macromolécules présentes au sein des bactéries de notre microbiote dentaire.

«Traitement interceptif de l’usure… ou l’aboutissement de 40 ans de perfectionnement dans nos techniques de collage»

Dr Didier Dietschi

Après 40 ans d’enseignement et de recherche au sein de la CUMD, le Dr Dietschi rend d’abord hommage aux nombreux mentors (Pr Davidson, Pr Holz, Pr Krejci) et collègues Dr Magne, Dr Spreafico, Dr Ardu et récemment Pr Leprince avec lesquels les collaborations ont été un plaisir tout au long de sa longue carrière. Sa conférence portera sur l’usure dentaire une thématique qu’il étudie depuis 20 ans et qu’il a résumé dans un livre intitulé « Tooth wear », publié en 2023. Il passera en revue tous les mécanismes responsables de l’usure en rappelant les facteurs à risque tels que la consommation exagéré les liquides acides, mais aussi les troubles de l’alimentation amenant à de l’érosion, les facteurs à risques responsables de phénomènes d’attrition et d’abrasion ainsi que les combinaisons érosives et mécaniques amenant une dimension dynamique à l’usure dentaire. Il a ensuite partagé son expérience cumulée de traitement minimal invasif pour restaurer ces patients par des techniques de collages bien éprouvées et des matériaux composites de dernière génération en mettant l’accent sur le rétablissement de la fonction et de l’esthétique. Dr. Dietschi a magnifiquement montré ses cas cliniques avec un suivi long terme, de patients avec usures dentaire traités de manière conservative avec des composites en technique directe ou indirecte. Il a partagé son savoir-faire en précisant ses protocoles de collage, mais aussi la nécessité de prévenir la progression de l’usure dentaire chez chaque patient de manière individuelle, par l’utilisation de procédures non invasives et abordables dans un délai approprié. Il a terminé sa présentation en précisant qu’il fallait garder à l’esprit que la compréhension de cette pathologie d’usure dentaire est présente chez tout le monde et représente une surveillance et travail tout au long d’une vie.

«De la prothèse dentaire à la médecine dentaire reconstructrice : 4 décennies de changements de paradigmes»

Dr Philippe Mojon

Dr Mojon, issue de la volée de 1982, retrace ses premières expériences en restaurations implanto-portées, les connaissances et techniques de l’époque et l’énorme évolution avec un changement de paradigme dans les plans de traitements prothétiques grâce aux nouvelles technologies de collage, du numérique ainsi que du développement de nouvelles céramiques performantes pour les reconstructions prothétiques. Son parcours de 7 ans au Canada à la University of British Columbia, puis à McGill à Montréal ont étoffé son riche parcours professionnel. En 2002 il a été co-auteur du « McGill consensus statement on overdentures » qui précise que le premier choix au niveau de la mandibule de patients édentés est l’utilisation de 2 implants pour fixer une prothèse totale type « overdenture » et qui est le standard encore actuellement appliqué. Il a ensuite illustré l’évolution dans le temps des cas cliniques soignées dans les années 1980 et celles actuellement. L’utilisation des techniques de collage, des restaurations issues des nouvelles technologies numériques telles que la zircone collée sur base de titane et implanto-portée, la préférence aujourd’hui vers des restaurations céramiques monolithiques évitant ainsi les éclats de céramiques font partie de la médecine dentaire reconstructrice moderne enseignée en Suisse et pour laquelle il a été engagé depuis de très nombreuses années à la CUMD comme responsable du programme de formation postgrade de la SSRD.

Nos jeunes retraités ayant marqué l’enseignement et la recherche à la CUMD et à l’international: Dr Philippe Mojon, Pr Serge Bouillaguet, Dr Didier Dietschi

«Dépistage précoce des caries : Etude en collaboration avec le service dentaire scolaire à Genève»

Dre Marwa Abdelaziz

La Dre Abdelaziz nous a présenté les résultats préliminaires de son étude menée en collaboration du service dentaire scolaire ayant reçu pour ce faire un soutien financier de l’association des anciens étudiants de l’école dentaire de Genève de 20’000 CHF. Après validation par le comité d’éthique, la formation du personnel à l’utilisation de la Diagnocam et la signature de consentement de 1700 parents (sur 6000 demandes adressées), le projet a débuté en septembre 2023. Le but de l’étude est de savoir si l’usage de la Diagnocam modifie les diagnostics posés lors des dépistages scolaires. Actuellement sur 303 élèves de 3P à 8P (>12ans) ont été analysés. En moyenne lors du dépistage standard, env. 52% des enfants ne présentent pas de caries à l’examen clinique visuel. Avec l’aide de la Diagnocam, parmi ces 52%, seuls 16% étaient réellement exempt de caries (50% carie initiale, 30% carie dans la dentine et dans 6% la présence de restaurations détectées par fluorescence). Grâce à des illustrations cliniques elle présente les différents avantages de l’utilisation de la Diagnocam, qui utilise des images intraorales de haute résolution obtenues par transillumination proche de l’IR (near infrared transillumination) ou par fluorescence permettant le diagnostic de fissures et de caries dentaires sur les structures d’émail et de dentine. Au niveau de la pédodontie, cela a l’avantage de ne pas utiliser des rayons X tout en permettant un dépistage de déminéralisation nécessitant des mesures de prévention renforcées ou éventuellement l’intervention d’un traitement microinvasif. Actuellement médecin-dentiste cheffe du service dentaire scolaire de Genève, son étude va servir de base d’action dans le canton de Genève pour développer des mesures de prévention de la carie dentaire.

«Trois tests pour déterminer le côté de mastication préféré: une étude pilote»

M. Quentin Olivieri (Prix Arthur Frechette-IADR 2023)

Quentin Olivieri a présenté son projet de recherche qui a remporté le prix IADR Arthur Frechette en 2023. Le but de son projet était d’étudier la validité et la reproductibilité de 3 différents tests pour déterminer le côté préféré de mastication. La détermination du côté de la mastication préféré peut être un facteur important dans la planification du traitement des prothèses, en particulier lorsque des implants peuvent fournir un soutien supplémentaire pour une prothèse dentaire amovible. 82 porteurs partiels de prothèses dentaires, dont l’âge moyen est de 70 ans, ont été inclus dans cette étude. Le premier test utilisé est celui du chewing-gum (CG) qui évalue la position gauche ou droite d’un morceau de chewing-gum après ouverture spontanée de la bouche pendant la mastication. Le deuxième test (ASI) utilise une caméra qui filme 30 secondes de mastication et analyse la répartition des cycles masticatoires au moyen d’un indice d’asymétrie. Pour le troisième test (VAS), les participants ont été invités à marquer leur perception subjective de leur côté préféré à mâcher sur une échelle analogique visuelle représentant les côtés droit et gauche. Les résultats indiquent une reproductibilité presque parfaite pour les 3 tests ainsi qu’une bonne corrélation. L’ASI et le SAV semblent plus fiables que le CG pour déterminer le côté de mastication préféré d’un patient et pourraient être utiles dans le contexte de la planification du traitement en prothèse.

«Un nouveau test d’hyposalivation à l’aide d’un cube de sucre»

Mme Foteini Spyraki (Prix GC prégrade-IADR 2023)

Foteini Spyraki a présenté son projet de recherche sur l’hyposalivation qui a reçu le prix GC pré-grade IADR. L’hyposalivation étant un problème fréquent (prévalence 33.4%) chez les personnes âgées pouvant amener notamment un trouble du gout, une candidose, une halitose, une dysphagie, une dysarthrie, des caries radiculaires et des difficultés avec des prothèses. L’objectif de son étude était d’évaluer un nouvel outil pour le diagnostic de l’hyposalivation à l’aide d’un cube de sucre et de comparer sa fiabilité à d’autres méthodes de test validées. Elle a ainsi évalué a) le débit salivaire non stimulé par méthode de drainage (USFT), b) l’humidité orale de la muqueuse (MCS), c) le test du cube de sucre (SCT) qui consiste à mesurer le temps nécessaire pour désintégrer un cube de sucre de taille standard N ‘4 (5,6 g) placé sous la langue, d) l’écoulement salivaire stimulé par chewing-gum (CG) et e) le test de Saxon (Sx) qui consiste à macher une compresse pendant 2 min et peser celle-ci. Il ressort de ce projet que le test du cube de sucre s’avère être une méthode utile pour évaluer la salivation non stimulée, réduire le temps d’exécution des tests et causer moins d’inconfort des participants que standard doré de test de salivation non stimulée.

«Implant latéral unique pour prothèses amovibles mandibulaires: étude pilote de faisabilité»

Dre Sabrina Maniewicz (Prix GC postgrade-IADR 2023)

Spécialiste SSRD, la Dre Maniewicz nous rappelle qu’actuellement, le standard minimal est de deux implant inter-foraminaux pour stabiliser une prothèse totale inférieure. Ce concept montre une survie implantaire et prothétique excellente avec plus de 90% à 10ans. Cependant, pour des raisons financières ou par crainte de l’intervention, certains patients refusent. En alternative il a été proposé de placer un implant unique au niveau de la ligne médiane amenant satisfaction aux patients mais présentant un taux de survie de 85% à 10ans avec un nombre de fracture et de perte de rétention supérieur. Ainsi une étude pilote multicentrique a été menée par Dre Maniewicz afin d’évaluer la viabilité et la faisabilité d’un nouveau concept de traitement – « canine positioned single implant mandibular overdenture » (c-SIMO), avec un implant unique placé sur le côté de mastication préféré du patient au lieu de la ligne médiane. Ainsi elle nous a présenté les résultats de sa recherche sur 1 année avec 15 patients ayant déjà une prothèse totale inférieure qui a été transformée en c-SIMO après la pose d’un implant unitaire en position canine du côté préférentiel de mastication de chaque patient. Ainsi ont été évalués avant et après la pose de l’implant unitaire les scores de qualité de vie liée à la santé bucco-dentaire (OHRQoL), l’indice de satisfaction des prothèses dentaires (DSI), l’efficacité de mastication (CE), la force maximale de mastication (MBF), la survie et le succès des implants et l’entretien des prothèses. Le taux de réussite et de survie des implants était de 100 % à 1 an. Les mesures des résultats rapportés par le patient se sont améliorées de manière significative par rapport aux valeurs de prétraitement. Les résultats masticatoires se sont également améliorés de manière significative. Les complications prothétiques fréquentes incluaient des ajustements de l’intrados des prothèses dentaires et une activation de la matrice. Cette étude pilote conclut que le c-SIMO est une option de traitement prometteuse et une alternative de traitement viable au positionnement de l’implant unitaire en ligne médiane.

«La médecine dentaire sociale à Genève: état des lieux et de l’UAS»

Dr Jean-Jacques Canneto

Le Dr Canneto est actuellement le directeur médical de l’Unité d’action sociale (UAS) à la CUMD. Il commence sa présentation par un tour d’horizon de la situation socio-économique actuelle: environ 750’000 personnes sont qualifiées de pauvres en Suisse et ce chiffre atteint 700 millions d’individus d’un point de vue mondial. Selon les dernières statistiques helvétiques, les personnes les plus touchées sont les plus de 65 ans, les personnes d’origines extra-européennes, les individus seuls et les ménages monoparentaux avec enfant(s) mineur(s). Également, plus le degré de formation professionnel est faible, plus le risque de pauvreté est accru. La pauvreté est à considérer comme un phénomène dynamique, où des personnes peuvent épisodiquement basculer dans une situation de nécessité. Il introduit ainsi le thème de la précarité et des « working poor », classe de travailleurs pauvres ayant des revenus insuffisants pour une vie décente, mais trop conséquents pour bénéficier d’aides. Il s’agit de 8% des actifs suisses, et représentent ceux qui sont le plus à risque de tomber dans une situation de pauvreté. Les charges fixe et notamment la part consacrée au loyer est problématique, le maintien d’un logement étant encore plus essentiel pour cette tranche précaire de la population. Le Dr Canneto spécifie que pour ces personnes, les charges incompressibles représentent jusqu’à 80% de leurs revenus. Il parle ensuite du rapport direct entre le type de restaurations dentaires et le revenu des patients. Dans ce sens, seules des actions socio-économiques et de santé publique sont possibles pour contrer cela. Un changement de patientèle est observé depuis les années 90. En effet, un glissement vers le bas de la classe moyenne a causé une diminution du nombre de patients capables de payer leurs soins de leur propre poche, et les statistiques actuelles de l’UAS reflètent cela. 31’000 personnes sont bénéficiaires d’une aide sociale à Genève (SPC + HG), alors que d’un point de vue national, les dépenses des prestations complémentaires ont elles triplé en trente ans. À Genève, l’Hospice général (HG) aide principalement des jeunes, alors que les rentiers (AVS/AI) sont supportés par le Service des prestations complémentaires (SPC). Ce système exclut toutefois les personnes précaires (working poor, SDF, etc.), et des centres dédiés à leur prise en charge sont nécessaires (Point d’Eau, permanence dentaire de La Croix-Rouge, associations caritatives, fondations). Le Dr Canneto discute encore des objectifs et buts de l’UAS : l’unité mobile, les soins aux précaires, les soins aux polyhandicapés adultes et le cabinet de Champ-Dollon. Une victoire en juin 2024 est à mentionner avec la mise en place de la plateforme Medident-GE initialement débutée par le Dr Carrel en 2017 et qui permettra une gestion et un suivi plus efficace des dossiers sociaux cantonaux. Pour finir, le Dr Canneto parle des perspectives de l’UAS. Il souhaite mettre en place l’enseignement (aspects techniques, psychologiques, financiers et administratifs) et la recherche au sein de son unité. Avant de conclure sa présentation, il porte encore un hommage à feu le Dr Jean-Pierre Carrel.

«Philosophie des soins aux enfants à la CUMD»

Dre Adele Lodi Rizzini

La Dre Lodi Rizzini débute sa présentation en rappelant les difficultés parfois rencontrées lors de la prise en charge des patients enfants. En effet, la coopération, la communication, l’état émotionnel de l’enfant, les douleurs et la complexité du traitement peuvent rendre la prise en charge fastidieuse. Elle souligne le fait que l’état émotionnel de la famille est souvent central, et que des « a priori » familiaux transmis à l’enfant peuvent apporter peur, stress et fatigue à ce dernier. L’influence familiale peut donc largement compliquer la prise en charge. Elle continue ensuite en parlant de l’anesthésie, qui représente le premier obstacle au traitement mais également la condition n°1 au confort de l’enfant et du/de la médecin-dentiste. De par leurs différences structurelles, les dents de lait peuvent présenter des pathologies pulpaires plus rapidement et fréquemment que les dents définitives. Afin d’éviter des prises en charge sous AG pour les cas catastrophiques, il existe d’autres modalités de traitement permettant de repousser au maximum le moment de réaliser les soins, sous forme de traitements non invasifs restauratifs et/ou reminéralisants. Elle mentionne à cet effet, l’utilisation de Tooth Mousse® pour un brossage par les parents, le soir, sans rinçage ; le curetage et fluoration avec le Duraphat 22’600 ppm F-, envisageable 2-4x/an; l’application de fluorure diamine d’argent, très efficace pour stopper la carie mais qui cause des colorations noires permanentes de la dentine; la pâte MI Paste®; et les verres ionomères pour des restauration provisoires (par exemple le Fuji®). Une fois une bonne coopération atteinte, des traitements définitifs (composites, traitements endodontiques, etc.) peuvent être envisagés. Il est essentiel de toujours adapter le traitement à la coopération de l’enfant. Pour finir, la Dre Lodi Rizzini nous parle de la planification des recalls. En général, l’enfant sera revu deux à quatre fois par an, et la Diagnocam voire des BW au besoin sont des moyens de suivi efficaces.

«Chirurgie maxillo-faciale personnalisée»

Pr Paolo Scolozzi

Le Pr Scolozzi a exposé différents cas cliniques dans lesquels une chirurgie personnalisée digitalisée a été mise en œuvre. Les outils actuels permettent de planifier les chirurgies complexes et limiter ainsi le nombre d’étapes : des guides de découpes permettent de reproduire la planification digitale, et d’utiliser des éléments prothétiques créés en amont de la phase chirurgicale. De plus les outils digitaux et la planification permet de travailler avec plus de sécurité quant aux structures anatomiques délicates.

«Le goût du vrai en médecine dentaire: les barrières nous séparant d’une recherche saine de la vérité»

Pr Julian Leprince

Le Pr Leprince ouvre sa présentation en soulevant le problème de vérité présent en médecine-dentaire. Il illustre cela par l’effet Dunning-Kruger, où une conviction personnelle extrême peut nous pousser à réaliser des actes absurdes. Cela est rendu possible par une décorrélation entre la confiance en soi et ses réelles compétences (exemple du cycle d’une vie: montagne de la stupidité vallée de l’humilité pente de la connaissance plateau de la consolidation. À chaque nouveau sujet abordé dans la vie, ce cycle recommence). Il continue ensuite en posant la question suivante: Comment se mettre d’accord en médecine-dentaire sur ce qui est indiqué ou non? Les consensus étant compliqués à atteindre à cause des biais personnels et que l’humain est mauvais pour jauger la réalité, il pose alors deux hypothèses: 1) La recherche de vérité est complexe et 2) Les dentistes sont biaisés (et égocentriques!). Pour la première hypothèse, il fera la distinction de la science (ensemble des connaissances) versus la vérité (un absolu en rapport avec la réalité). Le Pr Leprince donne alors l’exemple de l’arrivée d’un nouveau produit sur le marché. En effet, le produit est d’abord pris pour ridicule, puis il remet en question nos vérités et est donc perçu comme dangereux, avant de finir par être évident et accepté par la majorité. Pour illustrer la recherche de vérité, le Pr Leprince expose le cas de la carie profonde. Selon la littérature scientifique, quelle que soit l’alternative thérapeutique choisie (excavation sélective, coiffage direct, pulpotomie partielle, pulpotomie complète ou traitement endodontique sur pulpe vitale), le taux de succès sur 5 ans se monte à environ 80%. La question est donc: comment choisir une stratégie? Eh bien en appliquant une « evidence-based dentistry » (situation clinique meilleures données scientifiques connues expérience clinique attentes du patient décision de prise en charge thérapeutique évaluation de la prise en charge). Pour la deuxième hypothèse, l’influence du facteur dentiste est très importante sur les choix thérapeutiques (années d’expériences, titres, etc.). Les études classiques mettent en moyenne 17-20 ans avant d’être appliquées en clinique, les dentistes ne pratiquent donc pas forcément une médecine-dentaire évidence-based (ex: 80-97% de surtraitement de caries primaires, alors que les concepts de dentisterie minimal-invasive sont scientifiquement validés. En ce qui concerne l’égo, il dira avec humour « La différence entre Dieu et les dentistes, est que lui ne se prend pas pour un dentiste ». Pr Leprince identifiera quatre biais dans notre espèce professionnelle: a) on accorde plus de crédits aux études qui nous donnent raison, b) on a tendance à croire qu’une chose est vraie parce qu’on l’a entendu d’une autorité, c) on parle avec assurance de sujets qu’on ne connaît pas (se considérer comme expert) et d) on loue une confiance excessive à notre intuition personnelle (le bon sens). Pour terminer, il propose les solutions suivantes à la dichotomie entre connaissances scientifiques et vérités personnelles: 1) Causalité n’est pas égal à corrélation, 2) Accepter la complexité et l’incertitude, 3) Corriger les biais et 4) soigner nos égos.

«Orthodontie 2.0: un regard objectif sur le choix entre les aligneurs et les appareillages fixes»

Pr Gregory Antonarakis

Le Pr Antonarakis ouvre sa présentation sur un bref historique de l’orthodontie des appareillages fixes et appareils amovibles pour modifier la croissance, de l’utilisation des bagues orthodontiques, du collage de brackets , des nouveaux matériaux (arcs avec mémoire de forme), des contentions fixes et des brackets autoligaturantes (années 1990). Il pose alors la question: Pourquoi changer du traitement fixe? Le prix et la durée en sont des causes. En effet, la durée d’un traitement fixe (moyenne de 20 mois) augmente le risque de white spots, de rhizalyses, et pèse sur l’esthétique et le confort des patient.e.s et donc sur leur qualité de vie. La solution amenée d’abord par le concept du Dr Kesling en 1945 puis concrétisé par l’industrie sont donc les aligneurs. Un rapide sondage en direct révèle par ailleurs qu’environ 60% des dentistes omnipraticiens présent.e.s dans la salle utilisent des aligneurs, alors qu’il n’y a que 2-3 orthodontistes présent.e.s.
Il fait une parenthèse sur Invisalign, l’entreprise leader du marché qui fournit des aligneurs depuis 1997. Pour un chiffre d’affaire en 2023 de 3,86 milliards de $, 250 millions sont alloués à leur publicité (+ 8 millions pour leurs 10 principaux orateurs), alors que seulement 200’000 $ sont dépensés pour la recherche. Le poids de l’industrie pèse donc dans les choix thérapeutiques. Les études qui se sont intéressées à la préférence des patients d’un point de vue de l’esthétique entre les traitements fixes et les aligneurs ont fait ressortir les données suivantes: chez les groupes d’enfants de 9-11 ans et de 12-14 ans, la préférence est pour les brackets avec élastiques de couleurs. Pour les tranches d’âges supérieures (enfants de 15-16 ans et adultes), les aligneurs sont préférés. En termes de douleurs et conforts les aligneurs sont meilleurs les premiers jours mais par la suite il y a peu de différence. Au niveau de l’élocution il n’y a pas de différence, mais les rhizalyses semblent être réduites dans leur sévérité tout comme le développement de taches blanches (white spots) moins présents avec des aligneurs. La santé parodontale semble également être meilleure. Toutefois, la durée de traitement est plus ou moins identique tout comme la qualité de vie une fois le traitement terminé. Par contre dans son expérience et celles de la littérature, les aligneurs ont une efficacité moyenne des mouvements que de 50%. Certains mouvements sont plus prévisibles (version) que d’autres (rotation). Les aligneurs sont aussi moins efficaces pour produire des contacts occlusaux. Finalement, l’utilisation de tous ces plastiques, Bis Phénol A à grande échelle est discutable. Le Pr Antonarakis termine en concluant que plus les orthodontistes ont de l’expérience, moins ils utilisent de gouttières (aligneurs), et rappelle l’impact du marketing réalisé par l’industrie et notamment Invisalign.

«Les Antibiotiques en parodontologie et leur aspect pharmacocinétique»

Dre Alkisti Zekeridou et Pre Catherine Giannopoulou

Dans une présentation en tandem très réussie, la Dre Zekeridou et la Pre Giannopoulou abordent la thématique de l’utilisation d’une antibiothérapie en association avec un traitement parodontal. En cas de parodontite, les questions pertinentes se posent quel AB utiliser, pour qui, à quelle dose, pour quelle durée et à quel moment ? La fédération européenne de parodontologie a émis la recommandation de ne donner une antibiothérapie que chez des jeunes patients présentant une parodontite sévère généralisée. Mais dans quelle phase de traitement parodontal faut-il donner un AB ? Est-ce durant la phase initiale non chirurgicale (curettage et lissage radiculaire) ou avant ou après la chirurgie parodontale ? Pour répondre à ces questions, une étude pilote a été mise en place à la CUMD en collaboration avec le CHUV qui fait partie d’une recherche à plus grande échelle financée par un FNS (Giannopoulou). Sur 80 patients avec parodontite modérée ou avancée, 40 ont reçu l’AB dans la phase de traitement initiale non chirurgicale (phase I), les 40 autres patients après la phase chirurgicale (phase II). Les résultats à 6 mois (long terme) n’ont pu montrer de différence entre les groupes tests. Toutefois, un patient ayant reçu un AB en phase I, le temps de traitement en phase II était plus court et le nombre d’interventions chirurgicales aussi. Nos deux conférencières ont encore montré le suivi d’une antibiothérapie consistant en une dose unique d’Amoxicilline + Métronidazole +Azithromycine et le traçage des trois AB dans le plasma sanguin, la salive et fluide gingival. Ainsi, le pic de concentration pour Amoxicilline qui a une demi-vie très courte se trouve dans le plasma après 1 heure. Pour les fluides oraux les courbes sont similaires mais à des concentrations beaucoup plus faibles. Pour le Métronidazole, la demi-vie est modérée et la pénétration dans les tissus est bonne (pics et courbes similaires dans le plasma et dans la salive après 3 heures). Pour l’Azithromycine, la demi-vie est longue (68 heures) et se cumule dans les tissus maintenant son niveau thérapeutique au niveau de la salive après dès la 3e heure alors que la concentration dans le sang diminue rapidement. Au final, les différences constatées dans les concentrations au niveau du plasma sanguin, de la salive et du fluide gingival sont liées aux propriétés spécifiques de chaque AB qui reste dans le corps sur une durée d’environ 15 jours.

L’équipe de la Parodontologie : Dre Alkisti Zekeridou, Pre Catherine Giannopoulou, Dr Panagiotis Gardelis

«Influence of a sterilization protocol on the pull-off forces of all-ceramic crowns bonded to titanium base abutments»

Dre Andreina Laforì

La Dre Laforì a obtenu le Prix Ernest Métral pour la meilleure thèse de MAS, ainsi qu’un Prix de recherche de la SSRD 2023 en 2ème position pour ce travail qu’elle a brièvement présenté. Le but de cette étude était d’évaluer les effets de la stérilisation sur les forces de rétention des couronnes en lithium disilicate (LD) et en PICN (polymer-infiltrated ceramic network) colées sur des bases en titane. Deux types de ciments ont été évalués (Multilink Hybrid Abutment et Panavia V5). Les résultats ont montré que la stérilisation peut avoir un effet bénéfique sur les forces de rétention des couronnes LD et PICN collées sur des bases en titane, bien qu’elle puisse influencer négativement l’intégrité de l’interface de collage marginale. La stérilisation a entraîné une augmentation de la présence d’espaces (gaps) marginaux par rapport à l’absence de stérilisation, alors qu’aucune relation statistiquement significative n’a été trouvée entre le mode d’échec et la stérilisation.

Sur la dernière partie de journée divers cas de spécialisations ont été présenté pour la parodontologie Dr Panagiotis Gardelis et pour la prothèse fixe Dre Agnès Sahli, Dre Duygu Karasan, Dr Juan Legaz. Aussi, les Dr Luis Azevedo et Dr João Pitta en prothèse fixe, ont parlé de l’acquisition des données initiales en technique conventionnelle versus technique moderne. Ainsi ils ont passé en revue la documentation traditionnelle en prothèse fixe qui consiste généralement de photographies, de radiographies 2D, d’empreintes conventionnelles en silicone et d’un enregistrement occlusal à l’aide d’un arc facial, puis ont montré que de nos jours les nouvelles technologies permettent une acquisition de données moderne qui consiste dans la prise d’empreintes numériques, de scan facial, de radiographies en 3D, le tout superposable. Grâce à ce « patient virtuel », la planification et la réalisation du cas est facilitée permettant une meilleure interaction et communication entre le clinicien, le patient et le technicien. Son efficacité est améliorée entre autres par la diminution du nombre de visites.

«Le patient virtuel, l’importance des nouvelles technologies pour le diagnostic pré-prothétique»

Pr Irena Sailer et Vincent Fehmer

Le congrès a été clôturé par une belle présentation en tandem de la Pre Irena Sailer et son mari, le technicien-dentiste Vincent Fehmer. Ils nous ont montré l’évolution du diagnostic pré-prothétique grâce aux nouvelles technologies avec une présentation dynamique illustrée de plusieurs cas cliniques. La superposition d’une empreinte numérique, d’un scan facial et d’une radiographie en 3D permet ainsi de créer un « patient virtuel ». La planification du cas est ainsi beaucoup plus prédictible, plus efficace et moins coûteuse. La Pre Sailer a insisté sur les bénéfices d’un mock-up résistant que l’on peut donner au patient pour qu’il l’essaie à la maison afin de prendre le temps de voir si la solution proposée lui plaît. Pour les cas avec augmentation de la DVO, les conférenciers nous ont aussi conseillé de mettre un jig antérieur lors de l’empreinte optique.

L’équipe de la Prothèse fixe : Dr. Léonard Brazzola, Vincent Fehmer, Pre Irena Sailer, Dre Duygu Karasan, Dre Agnès Sahli, Dre Andreina Laforì, Dr Luis Azevedo, Dr João Pitta, Dre Jelena Gavric

Une nouvelle présidence au comité de l'AEMDG

Finalement, la 20ème réunion a donné lieu à un changement de présidence, le Pr Bouillaguet président sortant laissant sa place au président entrant, le Dr Léonard Brazzola.

Passation de présidence: Pr Serge Bouillaguet serre la main au nouveau président de l’AEMDG, Dr Léonard Brazzola.

Crédits

Texte:
S. Scherrer, E. Bétrisey, J. Mossaz, L. Lenga, S. Gruber

Photos:
D. Foschi